Starlink a de la compagnie. L'encombrement orbital est un désastre en attente et la mégaconstellation de satellites du projet Kuiper d'Amazon n'est qu'un début,
Les experts tirent la sonnette d'alarme
Jeff Bezos commence à déployer les satellites de sa mégaconstellation Kuiper pour offrir une connexion Internet haut débit dans le monde entier depuis l'espace. Il se positionne ainsi comme un concurrent au réseau Starlink d'Elon Musk. Eutelsat a fusionné avec le fournisseur d'accès à Internet par satellite OneWeb et pourrait se lancer dans la construction d'un rival européen de Starlink. Mais bien que ces projets répondent à un besoin réel, ils posent un problème majeur : la pollution orbitale. L'explosion du nombre de satellites et de débris spatiaux provoque l'encombrement de l'orbite basse et menace les futures missions spatiales et l'observation du ciel nocturne.
Le premier lancement des satellites du projet Kuiper d'Amazon a lieu le 28 avril 2025. Amazon a placé 27 satellites en orbite et rejoint SpaceX et un nombre croissant d'entreprises qui s'efforcent de placer plus de 1 000 satellites Internet chacune en orbite autour de la Terre pour créer une constellation géant. Avec tous ces objets en orbite, les risques d'encombrement augmentent, et si l'un d'entre eux entrait en collision, les résultats pourraient être désastreux.
Outre Amazon et SpaceX, la société britannique OneWeb possède sa propre constellation, et plusieurs entreprises chinoises ont également des projets. Il y a la constellation Guowang, soutenue par le gouvernement chinois, qui a commencé ses lancements l'année dernière, mais qui reste discret, et le projet commercial Qianfan ou Thousand Sails, dont les lancements ont commencé en 2023 et qui prévoit de placer en orbite jusqu'à 15 000 satellites au total.
Initié par l'Union européenne, le projet IRIS² vise à déployer une constellation de 290 satellites afin de fournir des services de communication sécurisés à travers l'Europe et au-delà, avec des services attendus d'ici 2030. D'autres acteurs, comme Globalstar, offrent également des services d'Internet par satellites.
L'explosion du nombre de satellites et de débris en orbite terrestre basse
Un rapport de l'Agence spatiale européenne (ESA) révèle que plus de 2 500 engins ont été lancés en orbite terrestre basse en 2024, soit plus de cinq fois le nombre d'objets lancés au cours des années antérieures à 2020. La plupart des lancements étaient destinés à des réseaux de satellites commerciaux, pour lesquels le nombre de lancements augmente chaque année. Le nombre de satellites actifs est maintenant comparable au nombre de débris en orbite.
Selon l'ESA, si la tendance actuelle des lancements se poursuit, il pourrait y avoir près de 50 000 objets de plus de 10 cm en orbite terrestre basse d'ici 2050. Au cours des prochaines années, on estime qu'en moyenne huit satellites seront lancés chaque jour depuis la Terre, soit une masse totale de quatre tonnes de matériel envoyé dans l'espace chaque jour. Ces satellites visent à offrir une connexion Internet haut débit dans les zones rurales ou isolées.
Mais l'orbite terrestre est de plus en plus encombrée de satellites en état de marche et de déchets laissés par d'anciennes missions, et le problème va s'aggraver avec le lancement de nouveaux satellites. Les experts affirment qu'il est urgent de mettre en place des règles plus complètes pour la gestion des objets en orbite, mais dans un monde de plus en plus polarisé, l'idée d'une coopération mondiale pour protéger l'espace semble plus éloignée que jamais.
La menace d'une collision entre satellites n'est pas purement théorique. En 2019, une catastrophe a failli se produire lorsqu'un satellite Starlink et un satellite Aeolus de l'ESA se sont frôlés. L'ESA a dû effectuer une manœuvre de correction de dernière minute de son satellite pour éviter une collision, qui aurait pu projeter des débris sur une grande partie de l'orbite si elle s'était produite. Cette collision aurait donné lieu à des milliers de débris spatiaux.
« Il y a une course pour remplir l'orbite terrestre basse », déclare Vishnu Reddy, de l'université de l'Arizona, qui étudie les débris. Toutefois, si les constellations de satellites Internet répondent à un besoin réel, elles soulèvent plusieurs enjeux majeurs sur le plan technique, écologique et géopolitique.
L'ESA alerte sur les risques de collisions que posent les débris spatiaux
Il n'y a pas que les satellites en activité qui remplissent l'espace. Des millions de débris flottent autour d'eux, et nombre d'entre eux voyagent à des vitesses extrêmement élevées. L'ESA estime que plus de 1,2 million d'objets en orbite sont « suffisamment grands » pour être capables de causer des dommages catastrophiques en cas de collision. Par exemple, ils peuvent endommager une pièce d'équipement vitale, comme la Station spatiale internationale.
« Les opérateurs de satellites sont évidemment tentés de mettre de plus en plus de satellites. Mais s'ils en mettent trop, il y aura des collisions. Et une fois que les collisions commencent, il peut y avoir une réaction en chaîne, le syndrome de Kessler, et toute une série d'orbites peuvent être rendues inutilisables », explique l'astronome Olivier Hainaut, de l'Observatoire européen austral, qui a travaillé sur la modélisation de la luminosité des satellites Starlink.
Les satellites trop proches les uns des autres peuvent interférer avec les transmissions des autres. Le changement climatique aggrave également le problème, car la libération de gaz à effet de serre entraîne un rétrécissement de la haute atmosphère, ce qui réduit sa capacité à attirer et à détruire les débris. Les experts commencent à s'interroger sur les limites de la capacité orbitale et à se demander si le niveau actuel des lancements est viable à long terme.
Il est pratiquement impossible de prédire exactement la quantité de débris que produira une collision donnée, car elle dépend de la vitesse et de la direction de l'impact, ainsi que de la composition des objets. Les informations relatives à la composition des satellites étant parfois confidentielles, il n'existe aucun moyen de connaître l'ampleur des dégâts qu'un impact pourrait causer. Cette situation est aggravée par les mégaconstellations de satellites.
Dans ces mégaconstellations, des milliers de satellites partagent une orbite. Si un satellite fonctionne mal et explose, une entreprise peut être amenée à déplacer des centaines de ses satellites pour les ajuster afin d'éviter une réaction en chaîne ; et ces manœuvres peuvent créer encore plus de conjonctions. La situation serait encore pire, et encore plus chaotique, si plusieurs constellations étaient impliquées. Les experts espèrent que cela n'arrivera pas.
Le suivi de ces débris spatiaux reste un défi de taille à l'heure actuelle
Le suivi des millions de débris spatiaux reste un casse-tête. Dans la pratique, la communauté spatiale se tourne vers le gouvernement américain pour obtenir des informations sur le suivi des débris et espère que tout le monde se comporte de manière responsable. « Les opérateurs de satellites sont responsables de leurs satellites. L'armée de l'espace suit un certain nombre d'objets et met à jour le catalogue plusieurs fois par jour », explique Vishnu Reddy.
Pour le reste, les entreprises pourraient s'appuyer sur les informations fournies gratuitement par les États-Unis. Cela s'étend à l'élimination des satellites inopérants. Les experts s'accordent à dire que SpaceX a été relativement responsable dans la désorbitation de ses satellites défectueux. Les satellites Starlink étant placés sur une orbite très basse, ils tombent naturellement dans l'atmosphère terrestre au bout de quelques années, où ils se désintègrent.
Amazon n'a pas indiqué comment il prévoit de désorbiter ses satellites Kuiper en toute sécurité ou de gérer d'éventuelles conjonctions. Les spécialistes des débris spatiaux comme Vishnu Reddy ne sont pas opposés à ce que les opérateurs de satellites gagnent de l'argent grâce à l'espace. Cependant, ils aimeraient que ces entreprises prennent davantage d'initiatives pour créer des normes et des lignes directrices en matière de prévention des collisions.
« Il est dans leur propre intérêt financier d'établir des règles de base », explique Vishnu Reddy. Les entreprises n'ont pas besoin d'attendre le lent processus d'accord international pour tenter de résoudre ce problème. Vishnu Reddy affirme: « SpaceX a beaucoup plus d'expérience dans la gestion d'une constellation que n'importe quel organisme de réglementation sur Terre. Il pourrait faire des propositions sur la gestion des événements de conjonction ».
Absence d'une réglementation internationale sur l'utilisation de l'espace
Il n'existe pas de cadre juridique pour gérer les collisions potentielles entre satellites. Les experts s'accordent à dire que nous avons besoin de règles similaires à celles qui régissent le contrôle du trafic aérien, mais pour l'espace. Selon Vishnu Reddy, il est urgent de mettre en place un système formel de coopération entre les opérateurs privés de satellites afin de convenir des manœuvres à effectuer lorsque deux satellites se dirigent l'un vers l'autre.
« C'est beaucoup mieux que de dire : d'accord, nous allons avoir une collision dans trois heures. Essayons de consulter l'annuaire téléphonique pour savoir qui je dois appeler en Chine. Ce n'est pas une bonne façon de faire des affaires », a-t-il déclaré. En attendant, une conjonction peut se produire à tout moment.
La création d'un système de lois applicables concernant l'utilisation de l'espace orbital nécessiterait une résolution internationale d'un organisme tel que les Nations unies, car aucune nation ne peut réglementer l'espace. Toutefois, il y a peu de volonté internationale pour y parvenir. Le dernier texte législatif international d'importance sur l'espace, sur lequel repose encore la législation actuelle, est le traité sur l'espace extra-atmosphérique, adopté en 1967.
Ce traité n'a jamais imaginé d'opérations dans l'espace par des entreprises privées, ce qui laisse un vide réglementaire quant à la responsabilité de problèmes tels que les débris spatiaux. Il s'agit d'une tragédie classique des biens communs. Personne ne souhaite que l'espace devienne inaccessible.
Mais peu de groupes sont désireux ou capables de s'attaquer directement au problème. Josef Aschbacher, directeur général de l'ESA, a résumé le problème : « le message est clair comme de l'eau de roche : les débris spatiaux sont un problème et nous devons faire quelque chose pour y remédier ».
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