Pékin frappe fort : cinq condamnations à mort pour un réseau birman d’escroquerie
Posté : jeu. 13 nov. 2025 08:17
Cinq membres d’un vaste réseau criminel birman, dont deux anciens chefs de milice, ont été condamnés à mort en Chine pour avoir orchestré d’immenses arnaques transfrontalières.Un tribunal de Shenzhen, dans la province du Guangdong, a condamné mardi à la peine capitale Bai Suocheng, son fils Bai Yingcang, Yang Liqiang, Hu Xiaojiang et Chen Guangyi. Cinq complices ont reçu la réclusion à perpétuité, neuf autres des peines de trois à vingt ans, et deux condamnés à mort ont bénéficié d’un sursis de deux ans. Cette dernière peine, en Chine, signifie une exécution différée, appliquée uniquement en cas de récidive.
Ancien chef de la Force de garde-frontière de Kokang, Bai Suocheng, épaulé par son fils, dirigeait une milice affiliée à la junte birmane. Leur organisation a bâti, selon l’agence Xinhua, un empire criminel structuré autour de 41 zones industrielles dédiées aux escroqueries en ligne, à l’exploitation de casinos, aux enlèvements, aux homicides et à la traite humaine. Le préjudice total dépasserait 29 milliards de yuans, soit plus de 4 milliards de dollars (3,72 milliards d’euros). Au moins six citoyens chinois auraient perdu la vie à cause de ces activités.
Une riposte politique et symbolique de Pékin
Cette décision s’inscrit dans une vaste campagne de répression lancée par la Chine en 2023 contre les réseaux d’escroquerie transfrontaliers opérant depuis le nord du Myanmar. Pékin a alors mobilisé police et renseignement pour frapper ces groupes, accusés de cibler massivement les citoyens chinois par des fraudes téléphoniques et financières.
La région de Kokang, majoritairement sino-birmane, est au cœur de ces tensions. Pékin a longtemps fermé les yeux sur ces activités tant qu’elles ne touchaient pas ses ressortissants. Mais la multiplication des plaintes et la médiatisation de suicides de victimes chinoises ont conduit les autorités à un changement de doctrine : l’éradication des réseaux, même alliés de la junte.
En septembre, onze membres de la famille Ming, autre clan de Kokang, avaient déjà été condamnés à mort pour avoir géré un système d’escroquerie transfrontalière similaire. Ces procès spectaculaires, largement relayés dans les médias d’État, visent autant à dissuader qu’à rassurer une opinion publique chinoise excédée par l’explosion des fraudes en ligne.
Le Myanmar, centre mondial des arnaques numériques
Le nord du Myanmar s’est imposé ces dernières années comme un hub mondial de la cybercriminalité. Des milliers de travailleurs, souvent trompés par de fausses offres d’emploi, y sont réduits en esclavage pour mener des arnaques en ligne, appelées localement « pig butchering » (élevage de porcs), une pratique consistant à appâter les victimes avant de les dépouiller de leurs économies.
Les complexes comme KK Park, à la frontière thaïlandaise, hébergent ces centres d’escroquerie ultramodernes. La junte affirme avoir récemment lancé des raids contre ces infrastructures, allant jusqu’à dynamiter certains bâtiments. Plus de 1 600 personnes auraient été arrêtées par la police thaïlandaise en tentant de fuir ces zones sous contrôle de groupes armés ou de milices locales.
Cybercriminalité et enjeux géopolitiques
Pour Pékin, cette répression est autant sécuritaire que diplomatique. Elle lui permet de projeter son autorité au-delà de ses frontières, tout en exerçant une pression directe sur la junte birmane. Officiellement, la Chine ne s’ingère pas dans les affaires internes de Naypyidaw, mais elle reste le principal partenaire économique et militaire du régime.
En frappant publiquement ces réseaux, Pékin cherche à reprendre le contrôle d’un espace transfrontalier devenu incontrôlable, où se croisent trafics, cyberescroqueries et flux financiers illégaux. Cette stratégie répond aussi à un impératif interne : contenir une cyberéconomie parallèle qui menace la stabilité financière et sociale du pays.
Reste à savoir si ces condamnations marquent un tournant durable dans la lutte contre les mafias de Kokang ou s’il s’agit d’une opération de communication à portée limitée, face à une industrie criminelle estimée à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an.
merci à ZATAZ