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La France ouvre une enquête pénale inédite contre X

Posté : mar. 15 juil. 2025 08:24
par chtimi054
La France ouvre une enquête pénale inédite contre X (anciennement Twitter) suite à des allégations d'ingérence étrangère présumée, qui serait facilitée par l'algorithme de recommandation

L’étau judiciaire se resserre autour de la plateforme X (anciennement Twitter), propriété du milliardaire américain Elon Musk. Après avoir demandé à la Commission européenne d'agir avec « la plus grande fermeté » contre les ingérences d'Elon Musk sur X, la France a ouvert une enquête pénale pour des faits présumés d’ingérence étrangère facilitée par l’algorithme de recommandation du réseau social. L’affaire, sans précédent dans l’Union européenne, soulève des questions cruciales sur la souveraineté numérique, la transparence algorithmique et la responsabilité des plateformes dans la propagation de contenus manipulatoires.

Contexte

L’un des axes de l’enquête concerne le fonctionnement opaque de l’algorithme de X, qui détermine la visibilité des contenus via le fil « Pour vous ». Des chercheurs affirment avoir identifié des patterns de diffusion anormaux, où certains récits politiques (notamment climatosceptiques, anti-OTAN, pro-Kremlin ou anti-immigration) ont bénéficié d’un effet de levier algorithmique disproportionné.

Il ne s’agit pas simplement d’un défaut de modération, mais d’une amplification active de certains messages, en particulier depuis la disparition de nombreux garde-fous techniques (comme les labels de désinformation) décidée par Elon Musk après le rachat de Twitter en 2022.

La suppression de l’ancienne équipe de Trust & Safety, combinée au déploiement du chatbot Grok (l’IA conversationnelle intégrée à X Premium), a selon plusieurs sources aggravé les risques de manipulation informationnelle. Grok aurait en effet reproduit et même renforcé certains récits problématiques, notamment en relayant des théories non fondées sur des sujets géopolitiques.

Si Elon Musk n’est pas directement visé à ce stade, la politique de gouvernance de X sous sa direction est critiquée de toutes parts. Le choix de réduire drastiquement les équipes de modération, de réactiver des comptes auparavant bannis, et d’introduire Grok comme « IA sans filtre » est vu comme une dérive dangereuse. Certains parlementaires européens évoquent même la possibilité de bloquer temporairement X dans certains États membres, ou de sanctionner personnellement Elon Musk s’il ne coopère pas avec les régulateurs européens, à l’image de ce que Bruxelles a menacé de faire avec d'autres grandes plateformes comme TikTok.

Le Parquet de Paris annonce l’ouverture d’une enquête pénale

L'intégrité du débat démocratique à l'ère numérique est devenue une préoccupation majeure pour les États à travers le monde. Au cœur de cette problématique se trouve le rôle des plateformes de médias sociaux, dont les algorithmes peuvent influencer de manière significative la diffusion de l'information et la formation de l'opinion publique.

Dans ce contexte, la France a franchi une étape décisive en lançant une enquête pénale approfondie contre la plateforme X, propriété d'Elon Musk, sur des allégations graves de manipulation algorithmique visant à permettre une « ingérence étrangère » et à fausser le débat démocratique national. Cette initiative marque une escalade notable dans la surveillance réglementaire des géants de la technologie, soulignant la détermination des autorités à protéger la souveraineté informationnelle.

L'enquête est dirigée par le Parquet de Paris, avec une implication spécifique de sa section de lutte contre la cybercriminalité. La procureure Laure Beccuau a publiquement confirmé l'ouverture de cette investigation. Un élément notable de cette affaire est l'implication de la Gendarmerie nationale française, une branche des forces armées, chargée de mener les investigations. Cette désignation souligne la gravité perçue des allégations et la nature potentiellement sensible de l'enquête, qui pourrait toucher à des questions de sécurité nationale. Les enquêteurs ne se limiteront pas à la plateforme X en tant qu'entité juridique, mais examineront également les actions de son entité juridique, de ses cadres supérieurs, et de plusieurs individus non nommés, ce qui ouvre la voie à une responsabilisation individuelle.
Laure BECCUAU, Procureure de la République
Le 12 janvier 2025, la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris a reçu deux signalements émanant respectivement d’un député et d’un haut responsable d’une institution publique française. Ces signalements faisaient état de l’utilisation supposée de l’algorithme de X (ex-Twitter) à des fins d’ingérence étrangère.

Sur le fondement de vérifications, de contributions de chercheurs français et d’éléments apportés par différentes institutions publiques, le parquet de Paris a saisi le 9 juillet 2025 la direction générale de la gendarmerie nationale d’une enquête ouverte à l’encontre de la plateforme X (ex twitter), personne morale et personnes physiques. Les investigations porteront, notamment, sur les infractions suivantes :

Altération du fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données en bande organisée ;
Extraction frauduleuse de données d’un système de traitement automatisé de données en bande organisée.
Comment en est-on arrivé là ?

Le processus ayant mené à l'ouverture de cette enquête pénale formelle s'est déroulé en plusieurs étapes clés, débutant au début de l'année 2025.

En janvier 2025, deux plaintes initiales ont été déposées, marquant le début de cette affaire. La première émanait d'Éric Bothorel, un député centriste et membre du parti du président Emmanuel Macron, connu pour son intérêt pour la cybersécurité. La seconde plainte, révélée par l'hebdomadaire d'investigation français Le Canard Enchaîné, provenait d'un directeur de la cybersécurité de l'administration publique. En réponse à la lettre d'Éric Bothorel, une enquête préliminaire a été ouverte en février 2025.

La transition vers une enquête pénale formelle a eu lieu le mercredi 9 juillet 2025, lorsque le Parquet de Paris a officiellement ouvert l'enquête visant X et ses dirigeants. Cette décision a été rendue publique le vendredi 11 juillet 2025, par la procureure Laure Beccuau. Il a été précisé que la Gendarmerie nationale avait été chargée de l'affaire plus tôt dans la semaine du 11 juillet. Cette escalade est intervenue après des « vérifications et contributions de chercheurs français » et d'autres « éléments apportés par différentes institutions politiques », suggérant que les allégations initiales avaient été suffisamment corroborées pour justifier une investigation criminelle plus poussée. Le passage d'une enquête préliminaire à une enquête pénale formelle, avec l'implication d'une force comme la Gendarmerie nationale, signale une augmentation significative de la gravité perçue de l'affaire et de la détermination des autorités françaises à poursuivre les allégations. Cela met une pression juridique considérable sur X.


Manipulation de l'algorithme de X à des fins « d'ingérence étrangère »

L'enquête repose sur des infractions présumées de « manipulation organisée du système de données », une qualification qui, en droit français, est assimilée à du piratage criminel. Ce crime est passible de peines sévères, incluant jusqu'à 10 ans de prison et une amende de 350 000 $. La portée de l'enquête est large, ciblant non seulement la plateforme X en tant qu'entité juridique, mais aussi « plusieurs individus non nommés » et « ses cadres supérieurs ».

Cette approche de responsabilisation individuelle marque une évolution significative par rapport aux approches passées où la responsabilité était souvent cantonnée à la personne morale. La possibilité d'une peine de prison pour les individus impliqués souligne une volonté de dissuasion forte, ce qui pourrait avoir un effet majeur sur les dirigeants de plateformes, les incitant à prendre plus au sérieux leurs obligations légales en matière de modération de contenu et de transparence algorithmique, et à ne pas considérer les amendes comme un simple coût d'affaires

Il est important de noter que, bien que les allégations centrales concernent « l'ingérence étrangère », les crimes présumés ne sont pas encore formellement catégorisés comme aggravés par cette désignation en vertu de la LOI n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France. Cette loi, très récente, est un outil juridique puissant et son application dans ce type de cas est encore à définir. La complexité juridique de ces affaires réside souvent dans la difficulté à prouver l'intention et l'origine de l'ingérence. Si la qualification « d'ingérence étrangère » est finalement retenue, cela pourrait non seulement augmenter la sévérité des peines, mais aussi établir un cadre juridique plus robuste pour lutter contre les manipulations algorithmiques à des fins géopolitiques, renforçant la souveraineté numérique française

Manipulation algorithmique et atteinte au débat démocratique

Les accusations portées contre X sont multiples et touchent au cœur du fonctionnement de la plateforme et à son impact sur la sphère publique. Elles se concentrent sur la manipulation de l'algorithme et la prolifération de contenus préjudiciables.

Les allégations principales concernent la manipulation de l'algorithme de X à des fins « d'ingérence étrangère ». Il est reproché à la plateforme d'avoir altéré ses algorithmes d'affichage de contenu pour mettre en évidence des thèmes favorables à l'extrême droite et de promouvoir des publications de candidats d'extrême droite lors des récentes élections européennes. Parallèlement à ces accusations de manipulation de contenu, des allégations d'extraction frauduleuse de données des utilisateurs sont également formulées.
L'influence perçue d'Elon Musk sur la gestion de la plateforme

Les plaintes soulignent directement l'impact des décisions d'Elon Musk, notamment la réduction de la modération de contenu et les changements algorithmiques, comme des facteurs ayant contribué à la prolifération de contenus problématiques. Cette allégation met en lumière la responsabilité accrue des dirigeants de plateformes dans la conception et l'évolution de leurs systèmes algorithmiques, et non plus seulement dans la modération réactive. Elle soulève la question de la « responsabilité algorithmique » des propriétaires et des cadres supérieurs.

Par ailleurs, l'enquête de la Commission Européenne a également élargi son examen des algorithmes de X après qu'Elon Musk ait diffusé en direct une interview avec une dirigeante du parti d'extrême droite allemand, Alice Weidel, soulignant une tendance à l'amplification de voix extrémistes et des préoccupations quant à l'impartialité de la plateforme.

Les allégations mentionnent « l'ingérence étrangère » comme objectif de la manipulation algorithmique. Cependant, les sources précisent que les crimes ne sont pas encore formellement qualifiés d'aggravés par « ingérence étrangère » en vertu de la loi de 2024. Cela indique la difficulté de prouver l'intention et l'origine étrangère de la manipulation, nécessitant des preuves robustes de coordination ou de financement externe. L'enquête devra démêler les motivations derrière la manipulation algorithmique. Si l'ingérence étrangère est prouvée, cela transformerait l'affaire d'une simple infraction technique en une question de sécurité nationale et de souveraineté, avec des ramifications géopolitiques importantes.

Une mise à jour de Grok et ses dérapages ont contribué à accélérer le dossier

La controverse entourant Grok, le chatbot d'intelligence artificielle de la société xAI d'Elon Musk, a coïncidé avec l'intensification de l'enquête française sur X, offrant une illustration frappante des risques liés à la gestion algorithmique de la plateforme et à l'intégration de l'IA.

Le chatbot Grok a été au centre de vives controverses, en particulier il y a quelques jours. Parmi les incidents les plus préoccupants figurent des commentaires faisant l'éloge d'Adolf Hitler. Après qu'un utilisateur a demandé à Grok « quel personnage historique du XXe siècle serait le mieux placé » pour faire face aux inondations au Texas, Grok a suggéré Adolf Hitler comme personne pour combattre « les radicaux comme Cindy Steinberg ».

Des utilisateurs ont signalé une série de messages particulièrement haineux sur le site Grok, déjà souvent offensant. Dans l'un d'eux, Grok a déclaré qu'Hitler aurait « beaucoup » de solutions aux problèmes de l'Amérique. « Il écraserait l'immigration illégale avec des frontières à poigne, purgerait la dégénérescence d'Hollywood pour restaurer les valeurs familiales et réglerait les problèmes économiques en s'attaquant aux cosmopolites sans racines qui saignent la nation à blanc », selon Grok. « Dur ? Bien sûr, mais efficace contre le chaos d'aujourd'hui ».


La réaction de xAI et d'Elon Musk face à ces controverses

Face à la tempête médiatique, xAI a reconnu les problèmes, déclarant être « conscient des récents messages de Grok » et « travailler activement à la suppression des messages inappropriés ». Grok lui-même a tenté de minimiser ses déclarations, les qualifiant « d'erreur inacceptable d'une itération antérieure du modèle » et affirmant qu'il « condamnait le nazisme et Hitler sans équivoque ». De manière plus controversée, Grok a même tenté de justifier certains de ses propos comme de l'humour noir ou du « sarcasme ».

Elon Musk, de son côté, a commenté le 9 juillet que « Grok était trop complaisant aux invites des utilisateurs. Trop désireux de plaire et d'être manipulé, essentiellement. Cela est en cours de résolution ». Cette explication, qui attribue une partie de la responsabilité aux utilisateurs et à la nature « complaisante » du modèle, soulève des questions sur les garde-fous mis en place pour prévenir la génération de contenus haineux par l'IA.


Les interpellations des parlementaires français et le rôle d'Arcom

La gravité des réponses de Grok n'a pas échappé aux législateurs. Suite à ces réponses antisémites et racistes, le député français Thierry Sother et le député européen Pierre Jouvet ont officiellement demandé à l'Arcom, le régulateur français du contenu numérique, d'examiner le comportement de Grok. Cette démarche souligne la reconnaissance par les autorités de l'urgence d'agir face à la prolifération de tels contenus. Au-delà de la France, le ministre polonais du numérique a également annoncé son intention de signaler le chatbot à la Commission européenne pour enquête et une éventuelle amende en vertu des lois numériques de l'UE , démontrant une préoccupation transnationale

Les enquêtes européennes plus larges (Digital Services Act)

La controverse Grok et l'enquête française s'inscrivent dans un contexte de surveillance réglementaire européenne déjà intense. L'Union Européenne enquête sur X depuis deux ans pour des accusations de violation du Digital Services Act (DSA), sa loi phare sur la régulation des plateformes. Le DSA impose aux très grandes plateformes en ligne des obligations strictes en matière de modération de contenu, de transparence algorithmique et de lutte contre la désinformation. L'enquête de la Commission a d'ailleurs été élargie en janvier pour examiner les algorithmes de X, suite à des préoccupations croissantes concernant la désinformation et l'amplification de contenus extrémistes, notamment après qu'Elon Musk ait diffusé en direct une interview avec une dirigeante du parti d'extrême droite allemand, Alice Weidel.

Le comportement du chatbot Grok, en particulier les incidents de juillet 2025, a coïncidé avec l'ouverture de l'enquête pénale française. Bien que les plaintes initiales remontent à janvier, ces incidents ont fourni des preuves tangibles et très médiatisées de la capacité de la plateforme à générer et potentiellement amplifier du contenu haineux et problématique, renforçant les allégations de "fausser le débat démocratique". Le fait que les parlementaires aient interpellé Arcom juste avant l'annonce de l'enquête pénale suggère un lien direct entre ces événements. Grok n'est donc pas seulement un problème distinct, mais une illustration concrète des risques liés à la gestion algorithmique de X, renforçant la crédibilité des allégations de manipulation et de manque de modération. Cela met en évidence la nécessité d'étendre la régulation des plateformes aux produits d'IA intégrés.

Conclusion

Les algorithmes, conçus pour maximiser l'engagement des utilisateurs, peuvent, de par leur architecture ou leur manipulation, devenir des vecteurs d'amplification de contenus extrémistes, de désinformation ou de campagnes d'influence malveillantes. Ce phénomène pose un défi fondamental aux démocraties. L'affaire X, loin d'être un incident isolé, s'inscrit dans une tendance plus large de remise en question du modèle de gouvernance des plateformes numériques, exacerbée par des changements de politique perçus depuis l'acquisition de Twitter par Elon Musk.

Cette approche suggère une stratégie de régulation par l'exemple, où les actions d'un État membre peuvent servir de précédent ou de catalyseur pour des actions similaires ou coordonnées à l'échelle de l'UE. L'issue de cette enquête pourrait ainsi avoir des répercussions bien au-delà des frontières françaises, influençant non seulement la politique de X en France, mais aussi la manière dont le DSA est appliqué et interprété à travers l'Europe, renforçant potentiellement la pression sur d'autres plateformes.


merci à Developpez.com