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Nintendo : quelles données vos consoles récoltent (vraiment) sur vous ?

Posté : ven. 9 mai 2025 07:32
par chtimi054
Image Nintendo affirme respecter la vie privée de ses utilisateurs, mais ses consoles et services en ligne collectent une quantité impressionnante de données. Analyse des coulisses d’une politique de confidentialité dense et stratégique.

Je reçois souvent des questions de parents et des gamers/gameuses au sujet des données que collectent les entreprises telles que Nintendo et autres éditeurs de jeux vidéo. Ca tombe bien, la politique de confidentialité du Compte Nintendo qui vient d’être révisée en mai 2025, lève le voile sur un système de collecte et de traitement de données particulièrement sophistiqué. À l’heure où les géants du numérique sont scrutés pour leurs pratiques en matière de vie privée, le constructeur japonais ne fait pas exception. Derrière la simplicité ludique des consoles Switch se cache une mécanique redoutablement efficace de traitement des informations personnelles. Et tout commence avec la création d’un compte.

Dès la création du Compte Nintendo, l’utilisateur livre un ensemble d’informations de base : adresse électronique, pays de résidence, date de naissance, sexe et nom d’utilisateur. Ces données sont collectées par Nintendo Co., Ltd. (NCL), la maison mère basée à Kyoto, et peuvent être partagées avec Nintendo of Europe (NOE), sa filiale allemande. Cette séparation des responsabilités entre les deux entités est explicitement détaillée dans la politique de confidentialité. NCL et NOE agissent chacune comme responsable du traitement selon le RGPD, sans toutefois déterminer collectivement les finalités de traitement. Autrement dit, elles opèrent de manière indépendante sur des segments spécifiques du service.

Mais l’essentiel ne réside pas seulement dans l’ouverture du compte. C’est surtout dans l’usage quotidien des services proposés, comme l’achat de contenus numériques, interactions en ligne, connexions d’appareils, que Nintendo collecte une myriade de données supplémentaires. Ces données alimentent un système de traitement particulièrement fin, structuré autour de plusieurs finalités : exécution du service, sécurité, analyse comportementale, marketing, et personnalisation des services.
Lorsque vous achetez un jeu ou visionnez une page sur l’eShop, Nintendo enregistre votre parcours, vos préférences et parfois même l’appareil utilisé.
C’est dans les sections 2 et 3 de la politique que l’ampleur du traitement devient évidente. Chaque action, chaque clic dans l’univers Nintendo génère de l’information. Les achats réalisés sur l’eShop, par exemple, donnent lieu à la collecte de données de transaction, incluant parfois des informations de carte bancaire si l’utilisateur choisit ce moyen de paiement. Ces données, confiées à NOE, peuvent être transmises à des prestataires comme Adyen B.V., une société spécialisée dans la gestion de paiements, basée aux Pays-Bas.

Les produits visionnés, les articles placés dans la liste de souhaits, les jeux évalués ou les parties du site consultées sont également enregistrés. Une navigation dans l’eShop devient une source d’information, que Nintendo peut exploiter à des fins d’amélioration de ses services ou de marketing personnalisé.

L’empreinte numérique s’étend aussi aux appareils utilisés. L’adresse IP, le numéro de série, les paramètres d’affichage, le pays et même la langue de l’appareil sont autant d’éléments enregistrés. Ces données ne sont pas anodines : elles permettent notamment d’optimiser l’expérience utilisateur et de prévenir la fraude, en associant certaines informations techniques aux tentatives de connexion.

Historique de jeu, ce que vous dites et ce que vous écrivez

Plus encore, l’historique de jeu, les interactions avec d’autres utilisateurs et les contenus générés (comme les Mii ou les discussions en ligne) sont scrupuleusement enregistrés. Ces données forment ce que Nintendo appelle les « Données d’utilisation« , lesquelles sont également utilisées pour proposer des recommandations de jeux, affiner le marketing ou identifier des comportements à risque dans les échanges entre joueurs.
Le contenu des discussions vocales peut être stocké temporairement pour être analysé en cas de signalement d’abus.
L’une des facettes les plus sensibles du traitement concerne les communications. Les chats vocaux et vidéos peuvent être temporairement enregistrés sur les appareils des utilisateurs. En cas de signalement, les trois dernières minutes peuvent être envoyées aux serveurs de Nintendo pour être analysées. Ce système vise à détecter les propos ou comportements contraires aux règles communautaires. L’utilisateur est donc prévenu : certaines communications sont potentiellement écoutées a posteriori.

Nintendo va encore plus loin avec l’association de comptes. En liant un Compte Nintendo à un compte PayPal ou à un autre service de Nintendo, des données supplémentaires sont collectées et croisées. Cela inclut des identifiants, des listes d’amis, des pseudonymes, des historiques d’achat ou des paramètres de communication. Si cette association permet d’unifier l’expérience utilisateur, elle renforce également le maillage de données autour de chaque individu.

Quant à la collecte via cookies et technologies similaires, elle fait l’objet d’un traitement à part. Les cookies de session et de sécurité permettent d’assurer le bon fonctionnement du service. D’autres, comme ceux liés à Google Analytics, visent à améliorer le site ou à effectuer des analyses marketing. Le recours à Google reCAPTCHA sert pour sa part à différencier humains et robots, mais implique une transmission de données à Google aux États-Unis — pays dont la législation est moins protectrice que celle de l’Union européenne, même si Nintendo affirme appliquer les clauses types de protection de la Commission européenne.

Il est également frappant de constater la finesse de certaines techniques, comme l’empreinte digitale de l’appareil, utilisée pour identifier les machines de manière unique grâce à des paramètres comme la version du navigateur ou la taille de l’écran. Si ces méthodes servent à sécuriser les connexions, elles posent aussi la question d’un pistage systématique.
Toute interaction avec le Compte Nintendo devient une source potentielle de collecte d’informations personnelles.
Au-delà de la prestation de service, la finalité marketing reste très présente. Nintendo affirme traiter certaines données d’usage pour proposer des offres personnalisées. Ces recommandations reposent sur les jeux joués, les horaires d’utilisation, les interactions avec d’autres utilisateurs et d’autres paramètres techniques. L’entreprise justifie ce traitement par un « intérêt légitime » : proposer des contenus plus pertinents à ses utilisateurs. Ce raisonnement peut être contesté, notamment si le consentement explicite n’a pas été donné.

Heureusement, des garde-fous existent. L’utilisateur peut à tout moment modifier ses paramètres dans le Compte Nintendo pour désactiver certaines collectes de données à des fins marketing ou d’analyse. Il a également la possibilité de demander la suppression de ses données, de s’opposer à certains traitements, ou encore de retirer un consentement donné, comme le prévoit le RGPD.

Concernant les enfants de moins de 16 ans, Nintendo insiste sur le rôle central des parents. C’est à eux qu’il revient d’autoriser les traitements fondés sur le consentement. Ce cadre protège partiellement les mineurs, notamment contre les traitements à des fins de marketing personnalisé, auxquels ils ne peuvent être soumis sans autorisation parentale explicite.

Enfin, la durée de conservation des données varie selon les cas. En principe, elles sont conservées uniquement pour la durée nécessaire à la finalité poursuivie. Certaines données de transaction peuvent toutefois être conservées jusqu’à dix ans pour répondre à des obligations fiscales et commerciales.

Bref. Vous m’aviez demandé ce que pouvez collecter comme données votre console ou jeu favoris. Quelles se nomment Nintendo, Sony, Ubi Soft, Activision, Etc. ! Voilà qui est fait ! Mais au fait : jusqu’où seriez-vous prêt à aller pour préserver votre vie privée dans le monde connecté du divertissement numérique ?

merci à ZATAZ