Canal+ contestait devant le Conseil d'État une amende de 600 000 euros infligée par la CNIL en 2023. L'autorité lui reprochait ses pratiques de démarchage. Lundi 5 mai, la juridiction a renvoyé le dossier vers la justice européenne.

Canal+ va aller jusque devant la justice européenne pour son amende infligée par la CNIL. © Alexandre Boero / Clubic Les données personnelles sont devenues l'or noir du marketing, c'est une certitude, et à ce petit jeu-là, Canal+ se retrouve sur le gril. Sanctionnée en octobre 2023 par la CNIL pour ses pratiques de démarchage électronique d'une amende de 600 000 euros, la chaîne a vite riposté en justice. Mais la bataille n'est pas terminée, puisque lundi 5 mai, le Conseil d'État a décidé de porter l'affaire devant la Cour de justice européenne. Voyons pourquoi.
Quand la CNIL met Canal+ à l'amende pour ses pratiques marketing
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) n'a pas fait dans la demi-mesure. Un petit rappel des faits s'impose d'ailleurs. En octobre 2023, le gendarme des données a infligé une amende de 600 000 euros au groupe Canal+ pour plusieurs infractions au RGPD et au Code des postes et communications électroniques. Dans le viseur de la CNIL : près de 3,9 millions de personnes démarchées électroniquement en 2021 sans consentement valable.
L'enquête de l'autorité a révélé que Canal+ récupérait des listes de prospects auprès de fournisseurs d'accès internet partenaires. Le problème, c'est que ces FAI avaient certes obtenu l'accord de leurs clients pour partager leurs données avec des « partenaires », mais sans jamais identifier lesquels. Les formulaires ne mentionnaient ni l'identité de Canal+, ni celle d'aucun autre destinataire potentiel des données.
Au-delà de cette infraction, la CNIL a également épinglé d'autres manquements. Il y a par exemple une politique de confidentialité imprécise lors de la création de comptes MyCanal, des réponses tardives aux demandes d'accès aux données, un stockage insuffisamment sécurisé des mots de passe des employés, et même une fuite de données non signalée qui avait exposé les informations d'abonnés pendant cinq heures.
Le Conseil d'État saisit la justice européenne sur une question fondamentale
Canal+ n'avait à l'époque pas tardé à dégainer son arme juridique, en saisissant le Conseil d'État moins de deux mois après la publication de la sanction. La chaîne contestait l'amende, arguant que le consentement obtenu par les FAI était suffisamment éclairé. Selon elle, l'acceptation générale de partage avec des « partenaires » devrait valoir feu vert pour l'ensemble des entreprises de cette catégorie.
Mais la question s'avère plus complexe qu'il n'y paraît. Peut-on considérer qu'un utilisateur a véritablement consenti à recevoir des communications de Canal+, s'il a simplement coché une case autorisant le partage avec des partenaires non identifiés ?

La page des partenaires de Canal+ © Alexandre Boero / Clubic Le Conseil d'État, plutôt que de trancher immédiatement, préfère renvoyer cette question assez épineuse à la Cour de justice de l'Union européenne. Dans sa décision du 5 mai 2025, la plus haute juridiction administrative française pose deux questions fondamentales à la CJUE.
La première consiste à savoir si le consentement donné à un « primo-collectant » pour partager des données avec une catégorie vague comme « les partenaires » est-il valable pour ces derniers ? Et si oui, quel niveau de précision doit avoir cette catégorie pour que le consentement soit considéré comme éclairé ? La réponse de la justice européenne sera sans doute scrutée par tout le petit monde du démarchage.
merci à CLUBIC